Depuis quelque temps, Claire boit du café. Même si c’est amer. Même si elle n’aime pas ça.
Parce que Claire ne veut plus dormir. Claire ne veut plus être une petite fille. Et quand elle boit du café affreusement noir, Claire a l’impression d’être plus grande et que rien ne peut plus l’atteindre. Comme si le café ça rendait plus fort et plus résistant, voyez?

Dans sa famille ils sont quatre. Le père, la mère, le frère déjà adulte, à peine adulte, et elle. La gamine.

Et depuis que les vampires se trainent partout en réclamant leurs droits, le père de Claire ne tient plus en place. Il fulmine. Il s’énerve trop facilement et s’en prend à tout le monde. Son père hais les vampires, veut les voir morts. Sa mère partage son avis, et ainsi le fait leur fille.
Elle n’a jamais connu de vampire, Claire, ne s’est jamais approchée d’eux. Alors elle ne les connais pas vraiment. Ne les connais que de la voix de son père et d’autres personnes aux idées aussi arrêtée. Et par leur influence, les idées de Claire aussi se sont arrêtées, stoppées en chemin, fini, terminus.
C’est bien triste, mais elle ne s’en rend pas compte.

Elle ne s’était pas rendu compte des idées de son frère, non plus.
Il a quitté la maison. Elle lui a couru après. Elle a même pleuré, Claire.
Parce qu’elle ne comprenait pas. Pourquoi cette dispute avec leur père? Pourquoi ce malheur? Et pour quoi s’en va-t-il? Pour qui?

Elle l’a supplié de ne pas la laisser, qu’il avait encore trop de choses à lui apprendre, que c’était son devoir de frère, elle l’a menacé même. À lui dire les choses les plus affreuses, qu’elle se ferait du mal, qu’elle se tuerait, s’il partait.
Il est parti quand même.

Et maintenant, son café à la main, Claire est amère.
Tous les vampires, elle les déteste. Leur en veux. Tout est de leur faute si l’ambiance à la maison n’est plus la même. Si elle ne peux plus dormir, ou faire confiance, ou sourire comme une gamine, c’est à cause d’eux.

Malheur pour malheur, ils lui ont causé un drame, elle leur causera un drame.

Claire est affreuse, a trop de colère en elle. Son vœux est de blesser, de faire le plus de mal possible. Sur sa route, écraser tous ceux qui l’empêchent d’avancer. Elle grogne, crache par terre, ressemble plus à un chien enragé qu’à une adolescente. Et elle s’entoure mal. Se colle aux autres colères, aux violences pures. Claire ne pense plus à elle, le bonheur n’a plus d’importance, elle l’a perdu de toute façon. Ce qu’il lui faut maintenant c’est se venger.

Sous ses yeux noirs, des cernes. Claire met du fond de teint, parfois, pour camoufler ça. D’autres jours elle rajoute du noir autour de ses yeux, comme pour les marquer à vie. Ces jours là elle se sent plus puissante, se juge devant le miroir et s’amuse de son regard assassin. Si ça ne la rend pas réellement plus forte, ce maquillage l’aide à être plus sure d’elle.

Sa peau brune est recouverte de quelques bleus, griffures, et autres blessures un peu plus profonde. Certains coins où la peau a été arrachée se montre rose. Claire apprend à se battre et est fière des marques que son entrainement laisse sur son corps.

Les cheveux épais et noirs, elle les coupe, toute seule. Ils sont courts, mais aussi asymétrique. Elle se trouve un genre de cette façon. En classe, quand elle s’ennui, elle prend le ciseaux.

Autrement, Claire est grande et fine. Son allure est presque masculine. Entre sa petite poitrine et ses muscles qui commencent à se former, il lui arrive d’hésiter devant la glace. Voir son corps se transformer est un peu déstabilisant. Claire se demande aussi si elle deviendra un jour une femme, ou si, jour après jour, elle se change en garçon. Devenir un garçon serait bien, elle aurait plus de force, mais en même temps elle aimerait être plus féminine.